Jacqueline Salmon. Du vent, du ciel, et de la mer...

du 19 novembre 2016 au 23 avril 2017

Entre Jacqueline Salmon et le musée d’art moderne André Malraux s’est établie au fil des années une relation sous le signe des affinités électives tant il est vrai que l’artiste trouve dans les collections du musée, dans son environnement immédiat, dans ce lien organique que le bâtiment entretient avec les éléments – la lumière, la mer – et le paysage portuaire, une matière sensible qui nourrit son propre imaginaire.
Jacqueline Salmon. Du vent, du ciel, et de la mer...
Déjà présente en 2009-2010 dans l’exposition « Les nuages…là-bas…les merveilleux nuages », puis en 2011 dans « Les territoires du désir ou les métamorphoses d’un musée imaginaire », Jacqueline Salmon inscrit ici, seule, ses pas dans ceux d’Eugène Boudin.
Prenant la suite de la grande rétrospective consacrée à cet artiste cet été, elle entreprend de dialoguer avec lui plus intimement et plus longuement qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors. Revisitant ses peintures à l’aune d’un Livre des orages publié à l’époque de l’artiste et trouvé par hasard à la Bibliothèque de l’Observatoire de Paris, Jacqueline Salmon s’invente météorologue. Poursuivant le rêve fou de déterminer la date précise d’exécution des tableaux de Boudin en établissant le lien entre l’oeuvre et la description analytique d’un orage particulier, « historique », elle s’immerge dans l’univers du peintre.

Jouant comme lui à atteindre « les tendresses du ciel »,  imprégnée de ces pages autobiographiques où le peintre évoque jusqu’au vertige sa quête incessante des éphémères nuées (« De beaux grands ciels tout tourmentés de nuages, chiffonnés de couleurs, profonds, entraînants. Rien dessous s’il n’y a rien »), Jacqueline Salmon s’arrête dans cet estuaire de la Seine où Boudin a planté autrefois  son chevalet. Elle photographie, le ciel, la mer, l’estran à marée basse, plus loin le port, et partout  la lumière, l’air qui circule, qui se fait vent. Au souvenir de Boudin s’ajoutent ceux, précurseurs, de Cozens, Constable, Turner qui, dans le sillage des découvertes scientifiques de Luke Howard, le premier à nommer les nuages (1803), allaient, selon l’expression de John Ruskin, « entrer au service des nuages ». Jacqueline Salmon n’hésite pas à s’approprier l’image de quelques-unes de leurs œuvres, pour les faire siennes par le truchement d’une manipulation qui réinvente un autre possible. Elle crée ainsi de nouvelles œuvres composites, prolongeant par-delà les siècles les recherches de ces novateurs.
 
Mais c’est du Havre aussi qu’elle souhaite parler avec ses images. Sa curiosité est sans limite. Elle la conduit à prendre la mesure, l’épaisseur de l’histoire d’une ville en lien avec le monde. Le Havre, port de départ d’expéditions scientifiques dont les réserves du museum conservent des témoignages inattendus– dessins des côtes australes, échantillons de sable du monde entier, herbiers…- la ramène à d’autres paysages parcourus, d’autres estuaires lointains. L’exposition se construit autour du souvenir de ces voyages, par strates, et dessine du Saint-Laurent à l’embouchure de la Seine, en passant par la côte méditerranéenne, une cartographie intime.
 
Dialoguant avec le paysage extérieur, les collections, parfois une œuvre singulière comme un grand diptyque de Geneviève Asse, et bien sûr les panneaux d’Eugène Boudin, l’exposition réunit quelques pièces plus anciennes de Jacqueline Salmon et de nouvelles spécialement créées pour l’occasion, mais aussi une sélection d’objets « à réaction poétique » glanés dans les réserves, dans une scénographie conçue par l’artiste.
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