VILLON, Trophées au cor
Jacques VILLON (1875-1963)
Trophées au cor
1952
huile sur toile
38 x 55 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1953
© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
Trophées au cor
1952
huile sur toile
38 x 55 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1953
© MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
Jacques VILLON (1875-1963)
L'Oiseau en vol
1957
lithographie sur papier
47,4 x 61,3 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1958
© 2005 MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
L'Oiseau en vol
1957
lithographie sur papier
47,4 x 61,3 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1958
© 2005 MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
Jacques VILLON (1875-1963)
Coursier
sans date
lithographie sur papier
38,6 x 57 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1958
© 2005 MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
Coursier
sans date
lithographie sur papier
38,6 x 57 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1958
© 2005 MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
Jacques VILLON (1875-1963)
sans titre
sans date
lithographie sur papier
68,5 x 54,5 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1961
© 2005 MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
sans titre
sans date
lithographie sur papier
68,5 x 54,5 cm
Le Havre, musée d'art moderne André Malraux, achat de la Ville, 1961
© 2005 MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn © ADAGP, Paris 2020
« La peinture est un moyen de prospection, un moyen d’expression. Avec la couleur comme appât, avec le dessin comme ligne, elle tire du gouffre inépuisable de l’inconnu, des possibilités seulement soupçonnées qu’elle amène, par jeux successifs, sur le plan humain, sur le plan conscience ; et là, avec subtilité elle cristallise du subtil. Elle rend le parfum, l’esprit, l’âme des choses, dont la science catalogue, explique les apparences. »
– Jacques VILLON[1]
Gaston Émile Duchamp – qui prend ensuite le pseudonyme de Jacques Villon – est né en 1875 à Damville dabs l'Eure. Élevé dans une famille bourgeoise, il reçoit une solide éducation culturelle et manifeste un intérêt pour les formes artistiques dès son adolescence. En 1891, il entre au lycée Corneille de Rouen – institution que fréquentera bien plus tard Reynold Arnould – et reçoit un enseignement en peinture et en gravure de son grand-père paternel. A cette même période il grave le portrait de son grand-père et celui de son père. En 1894, Jacques Villon devient clerc chez un notaire de la ville de Rouen pendant trois mois. Souhaitant devenir artiste, il fréquente par ailleurs l’École municipale des Beaux-Arts de la ville et envisage de poursuivre sa formation à Paris. L’année suivante, le jeune artiste s’établit dans la capitale avec son frère, Raymond Duchamp-Villon. Il s’installe à Montmartre où il exécute ses premières lithographies. Il réalise également des dessins pour des journaux humoristiques tels que Le Chat Noir ou Le Rire. Il adopte le pseudonyme de Jacques Villon, en hommage au poète François Villon. Il fréquente le Moulin Rouge où il fait la rencontre d’Edgar Degas et de Toulouse-Lautrec en 1898. Il édite ses premières lithographies en couleurs en 1899. C’est une technique à laquelle l’artiste aura recours tout au long de sa carrière.
Sa première participation à un salon remonte à 1901. Il présente deux gravures de la Société nationale des Beaux-Arts. En 1903, il participe au premier Salon d’Automne dont il devient membre en 1904. Dans le même temps il s’inscrit – avec son frère – à l’Académie Julian. Les deux jeunes artistes exposent ensemble à la galerie Legrip à Rouen en 1905. A partir de 1907, Jacques Villon adhère à la Société normande de peinture moderne qui compte parmi ses membres les artistes Albert Marquet, Francis Picabia et Raoul Dufy. Il s’oriente vers la peinture et peint des toiles de plus en plus colorées. La même année il s’installe à Puteaux où il a pour voisin son frère Raymond Duchamp-Villon et l’artiste František Kupka. Il adhère en 1911 au groupe de Puteaux et participe à des discussions sur le cubisme. Il défend, aux côtés d’artistes tels que Gleizes, Metzinger, Picabia ou encore Léger, le cubisme inspiré par le mouvement en opposition au cubisme analytique porté par Georges Braque et Pablo Picasso.
Il oriente ainsi ses recherches dans la traduction plastique du mouvement à travers l’utilisation des formes.
L’œuvre de Jacques Villon traverse une première période abstraite entre 1919 et 1922. L’artiste a recours aux formes géométriques qui rythment et dynamisent ses compositions. La couleur est également très présente et est caractéristique de son travail. Il présente sa première exposition personnelle à New-York en 1921. Le 22 juin 1922 Maurice de Raynal lui consacre une critique très favorable dans L’Intransigeant :
« Art un peu spécial, peut-être, art propre à intéresser les professionnels pour qui le jeu des combinaisons, des formes colorées, est toute la peinture. Soit, mais un art légitime, parce que purement pictural, basé sur une esthétique établie… Villon sait qu’une ligne, une courbe, un volume, ont autant de valeur spécifique qu’un mot, une phrase, une période[2]. »
Jacques Villon a de nouveau recours à la gravure de 1922 jusqu’au début des années 1930 afin de subvenir à ses besoins. Il poursuit toutefois ses recherches artistiques autour des formes et dans une approche que l’on peut qualifier de dynamique. Il ne cesse de peindre, construisant son propre style autour des formes colorées. Il divise sa toile en imbriquant les couleurs les unes par-dessus les autres. Jacques Villon adhère, en 1932, au groupe Abstraction-Création, qui prône un art non figuratif. Il s’affirme dans la voie de l’abstraction avec une série de toiles dont la construction repose sur des formes pyramidales. L’année suivante il développe une série de paysages. En 1936, il séjourne aux États-Unis. Il est alors d’avantage connu sur le continent américain. 1938 est une date importante puisqu’il fait la rencontre de Louis Carré qui devient par la suite son galeriste. Il expose à la Galerie de France en 1942 un ensemble de cinquante-deux peintures réalisées entre 1909 et 1941. La même année Louis Carré lui achète la totalité de ses œuvres qu’il expose deux ans plus tard dans sa galerie. L’exposition connaît un retentissement important. L’artiste, alors âgé de soixante-neuf ans est enfin reconnu en France. S’ensuit de nombreuses expositions personnelles en France et à l’étranger. En 1951, Jean Cassou lui consacre une rétrospective au musée national d’art moderne. Il y réunit quatre-vingt-cinq peintures de l’artiste. Dans le même temps Louis Carré présente une exposition de son œuvre gravé.
Reynold Arnould admire énormément Jacques Villon dont il a fait un de ses maîtres. Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en 1947 chez Camille Renault à Puteaux[3]. Dès 1952, il cite son nom à André Renaudin qui l’interview pour la presse havraise sur ses projets d’acquisitions pour le futur musée reconstruit :
« […] Rien qu’au Havre il y aura de quoi apparier ainsi les œuvres de Jacques Villon, de Braque et d’Othon Friesz. Nous citons tout exprès Jacques Villon parce que celui-ci est né en 1875 à Damville (Eure) […][4]. »
Effectivement, très attachée à voir entrer l’artiste dans les collections du musée du Havre, Reynold Arnould acquiert une peinture de Jacques Villon, Trophées au cor, dès 1953. L’achat est réalisé auprès de la Galerie Louis Carré qui détenait alors l’ensemble des œuvres de l’artiste. La toile est cédée pour le prix de 150 000 Francs. Cette œuvre est tout à fait représentative du travail de recherche mené par Jacques Villon autour des formes et de l’utilisation des couleurs selon les lois du cercle chromatique. Preuve de l’importance qu’il accordait à l’artiste et à son travail, Reynold Arnould présente cette toile lors de l’exposition De Corot à nos jours au musée du Havre organisée au musée national d’art moderne de décembre 1953 à janvier 1954. L’œuvre est accrochée entre Les deux femmes sur fond bleu de Fernand Léger et Le Ciel jaune de Mario Prassinos.
En 1958, Reynold Arnould achète deux lithographies en couleurs de Jacques Villon à la Guilde internationale de la gravure, L’Oiseau en vol et Le Coursier. Une dernière lithographie de l’artiste, qui ne porte pas de titre, intègre enfin les collections en 1961, année de l’inauguration du Musée-maison de la Culture. Acquisitions et expositions se répondent ainsi dans un même projet culturel. Pour preuve, Reynold Arnould organise, en 1962, une exposition de l’œuvre gravée de Jacques Villon qui réunit une centaine d’estampes de l’artiste.
[1] Article monographique « VILLON Jacques », in. HARAMBOURG Lydia, L’École de Paris 1945-1965, Dictionnaire des peintres, Paris, Ides & Calendes, 1993. p. 490.
[2] L’intransigeant, 22 juin 1922. Cité dans VIATTE Germain, Jacques Villon, né Gaston Duchamp (1875-1963), Paris, Expressions contemporaines, 2011, p. 214.
[3] ROT Gwenaële et VATIN François, Reynold Arnould. Une poétique de l’industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p. 309.
[4] RENAUDIN André, « Un musée transatlantique tête de pont entre deux continents pourrait être créé de toutes pièces, au Havre », in. Paris-Normandie, 14 juin 1952.
– Jacques VILLON[1]
Gaston Émile Duchamp – qui prend ensuite le pseudonyme de Jacques Villon – est né en 1875 à Damville dabs l'Eure. Élevé dans une famille bourgeoise, il reçoit une solide éducation culturelle et manifeste un intérêt pour les formes artistiques dès son adolescence. En 1891, il entre au lycée Corneille de Rouen – institution que fréquentera bien plus tard Reynold Arnould – et reçoit un enseignement en peinture et en gravure de son grand-père paternel. A cette même période il grave le portrait de son grand-père et celui de son père. En 1894, Jacques Villon devient clerc chez un notaire de la ville de Rouen pendant trois mois. Souhaitant devenir artiste, il fréquente par ailleurs l’École municipale des Beaux-Arts de la ville et envisage de poursuivre sa formation à Paris. L’année suivante, le jeune artiste s’établit dans la capitale avec son frère, Raymond Duchamp-Villon. Il s’installe à Montmartre où il exécute ses premières lithographies. Il réalise également des dessins pour des journaux humoristiques tels que Le Chat Noir ou Le Rire. Il adopte le pseudonyme de Jacques Villon, en hommage au poète François Villon. Il fréquente le Moulin Rouge où il fait la rencontre d’Edgar Degas et de Toulouse-Lautrec en 1898. Il édite ses premières lithographies en couleurs en 1899. C’est une technique à laquelle l’artiste aura recours tout au long de sa carrière.
Sa première participation à un salon remonte à 1901. Il présente deux gravures de la Société nationale des Beaux-Arts. En 1903, il participe au premier Salon d’Automne dont il devient membre en 1904. Dans le même temps il s’inscrit – avec son frère – à l’Académie Julian. Les deux jeunes artistes exposent ensemble à la galerie Legrip à Rouen en 1905. A partir de 1907, Jacques Villon adhère à la Société normande de peinture moderne qui compte parmi ses membres les artistes Albert Marquet, Francis Picabia et Raoul Dufy. Il s’oriente vers la peinture et peint des toiles de plus en plus colorées. La même année il s’installe à Puteaux où il a pour voisin son frère Raymond Duchamp-Villon et l’artiste František Kupka. Il adhère en 1911 au groupe de Puteaux et participe à des discussions sur le cubisme. Il défend, aux côtés d’artistes tels que Gleizes, Metzinger, Picabia ou encore Léger, le cubisme inspiré par le mouvement en opposition au cubisme analytique porté par Georges Braque et Pablo Picasso.
Il oriente ainsi ses recherches dans la traduction plastique du mouvement à travers l’utilisation des formes.
L’œuvre de Jacques Villon traverse une première période abstraite entre 1919 et 1922. L’artiste a recours aux formes géométriques qui rythment et dynamisent ses compositions. La couleur est également très présente et est caractéristique de son travail. Il présente sa première exposition personnelle à New-York en 1921. Le 22 juin 1922 Maurice de Raynal lui consacre une critique très favorable dans L’Intransigeant :
« Art un peu spécial, peut-être, art propre à intéresser les professionnels pour qui le jeu des combinaisons, des formes colorées, est toute la peinture. Soit, mais un art légitime, parce que purement pictural, basé sur une esthétique établie… Villon sait qu’une ligne, une courbe, un volume, ont autant de valeur spécifique qu’un mot, une phrase, une période[2]. »
Jacques Villon a de nouveau recours à la gravure de 1922 jusqu’au début des années 1930 afin de subvenir à ses besoins. Il poursuit toutefois ses recherches artistiques autour des formes et dans une approche que l’on peut qualifier de dynamique. Il ne cesse de peindre, construisant son propre style autour des formes colorées. Il divise sa toile en imbriquant les couleurs les unes par-dessus les autres. Jacques Villon adhère, en 1932, au groupe Abstraction-Création, qui prône un art non figuratif. Il s’affirme dans la voie de l’abstraction avec une série de toiles dont la construction repose sur des formes pyramidales. L’année suivante il développe une série de paysages. En 1936, il séjourne aux États-Unis. Il est alors d’avantage connu sur le continent américain. 1938 est une date importante puisqu’il fait la rencontre de Louis Carré qui devient par la suite son galeriste. Il expose à la Galerie de France en 1942 un ensemble de cinquante-deux peintures réalisées entre 1909 et 1941. La même année Louis Carré lui achète la totalité de ses œuvres qu’il expose deux ans plus tard dans sa galerie. L’exposition connaît un retentissement important. L’artiste, alors âgé de soixante-neuf ans est enfin reconnu en France. S’ensuit de nombreuses expositions personnelles en France et à l’étranger. En 1951, Jean Cassou lui consacre une rétrospective au musée national d’art moderne. Il y réunit quatre-vingt-cinq peintures de l’artiste. Dans le même temps Louis Carré présente une exposition de son œuvre gravé.
Reynold Arnould admire énormément Jacques Villon dont il a fait un de ses maîtres. Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en 1947 chez Camille Renault à Puteaux[3]. Dès 1952, il cite son nom à André Renaudin qui l’interview pour la presse havraise sur ses projets d’acquisitions pour le futur musée reconstruit :
« […] Rien qu’au Havre il y aura de quoi apparier ainsi les œuvres de Jacques Villon, de Braque et d’Othon Friesz. Nous citons tout exprès Jacques Villon parce que celui-ci est né en 1875 à Damville (Eure) […][4]. »
Effectivement, très attachée à voir entrer l’artiste dans les collections du musée du Havre, Reynold Arnould acquiert une peinture de Jacques Villon, Trophées au cor, dès 1953. L’achat est réalisé auprès de la Galerie Louis Carré qui détenait alors l’ensemble des œuvres de l’artiste. La toile est cédée pour le prix de 150 000 Francs. Cette œuvre est tout à fait représentative du travail de recherche mené par Jacques Villon autour des formes et de l’utilisation des couleurs selon les lois du cercle chromatique. Preuve de l’importance qu’il accordait à l’artiste et à son travail, Reynold Arnould présente cette toile lors de l’exposition De Corot à nos jours au musée du Havre organisée au musée national d’art moderne de décembre 1953 à janvier 1954. L’œuvre est accrochée entre Les deux femmes sur fond bleu de Fernand Léger et Le Ciel jaune de Mario Prassinos.
En 1958, Reynold Arnould achète deux lithographies en couleurs de Jacques Villon à la Guilde internationale de la gravure, L’Oiseau en vol et Le Coursier. Une dernière lithographie de l’artiste, qui ne porte pas de titre, intègre enfin les collections en 1961, année de l’inauguration du Musée-maison de la Culture. Acquisitions et expositions se répondent ainsi dans un même projet culturel. Pour preuve, Reynold Arnould organise, en 1962, une exposition de l’œuvre gravée de Jacques Villon qui réunit une centaine d’estampes de l’artiste.
[1] Article monographique « VILLON Jacques », in. HARAMBOURG Lydia, L’École de Paris 1945-1965, Dictionnaire des peintres, Paris, Ides & Calendes, 1993. p. 490.
[2] L’intransigeant, 22 juin 1922. Cité dans VIATTE Germain, Jacques Villon, né Gaston Duchamp (1875-1963), Paris, Expressions contemporaines, 2011, p. 214.
[3] ROT Gwenaële et VATIN François, Reynold Arnould. Une poétique de l’industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p. 309.
[4] RENAUDIN André, « Un musée transatlantique tête de pont entre deux continents pourrait être créé de toutes pièces, au Havre », in. Paris-Normandie, 14 juin 1952.
Par Claire Rançon et Clémence Poivet-Ducroix, MuMa Le Havre
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